le jour venait de tomber et Baie du Butin ne tarda pas à tomber aussi dans l'obscurité. Au loin, on entendait encore resoner les rire des gobelins qui s'activaient sur le port, inlassablement, comme si la fatigue ne les atteignait jamais. De la fenetre de sa chambre, Ancia humait l'air marin en contemplant le doux spectacle de l'eau qui cognait contre les pontons de bois, chose qu'elle faisait chaque soir sans parvenir à s'en lasser. Depuis le naufrage, elle avait appris à aimer l'océan et ses innombrables caprices, à goutter aux étranges habitudes des boucaniers et commençait même à trouver sa place parmi eux. Elle se sentait bien à Baie du Butin, la vie y était faite de commerce et de piraterie, de boissons et de paris. Elle aurait souhaité que sa propre taverne soit remplie de la même ambiance, mais elle avait peu d'espoir. Souriante, elle se retira et ses yeux se tournérent vers l'enfançon qui dormait paisiblement dans son grand lit.
C’était le seul moment où Neagan Noirsang, agé de bientôt 2 ans, parvenait à rester enfin tranquille, autrement il donnait à sa mére du fil à retordre : curieux de tout, il ne tenait jamais en place et ne passait jamais une journée sans faire une bêtise. Un véritable Noirsang. Ancia avait même l'impression, parfois, que son fils etait plus evolué que les enfants de son âge, comme si son instinct de louveteau lui ouvrait plus facilement les yeux. Etait-ce possible que la capacité Worgen accomplisse ce fait etrange ? Ou bien n'etait-ce uniquement que pour son fils ? Qu'elle que soit la réponse, elle devait prendre garde.
Sentant la fatigue qui menaçait de la gagner, elle se servi un dernier verre de rhum avant de retrouver la couche moelleuse qui l'attendait, et, tandis qu'elle appréciait le breuvage lui glisser dans la gorge, elle entendit un léger toquement derrière sa porte. Que lui voulait on encore ?
Lachant un juron, elle déposa son verre sur la table de bois, se résignant à repondre à l'oportun qui osait la déranger. Elle découvrit un homme habillé de noir, defiguré d'une horrible marque de brulure sur le coté gauche de son visage. Sans un mot, celui ci lui tendit un parchemin scellé, elle en reconnut immédiatement le sceau : deux poignards s'entrechoquant... la marque de l'Ombre.
L'Ombre de Hurlevent, ce reseau criminelle des bas fond qu'Ancia avait rejoint et dont elle tirait profit en tant qu’héritière des biens du défunt Aïnon Vane, l'assassin de femmes d'Azeroth.
Un mauvais pressentiment lui vient dés qu'elle toucha le papier, les messages de l'Ombre n’étaient jamais de bon augure, il fallait toujours s'attendre au pire.
Sans se rendre compte que le porteur etait deja partie, elle decacheta le message et se mit à le lire.
Quelques secondes plus tard, les mains tremblantes, le visage aussi qu'un pale qu'un cadavre, elle le laissa tomber à terre, complètement sonné.
Johann... Johann avait été capturé. Johann, le voleur noble envers qui elle avait noué un lien fort d'amitié et de confiance, l'homme qu'elle avait recruté elle même pour la Fierté... Non, ca ne pouvait pas etre possible. Pas lui.
Sans attendre d'avantage, laissant Neagan seul dans son lit, elle se precipita hors de la taverne, bousculant quelques personnes au passage, et rejoignit une grande maison de bois sombre, dissimulée sur les hauteurs de la ville portuaire, la porte gardée par deux gobelins armés jusqu'aux dents, prêt à tuer quiconque s'approchait trop prêt. Elle n'en avait cure. Elle fonca vers eux, tête baissé, désireuse d'entrer. Comme par miracle, ils n'opposérent aucune resistance, lui donnant la desagreable impression qu'on attendait sa venue... et ce fut bien le cas.
L'un des gardes la mena à l'etage, vers une piece qu'elle ne connaissait que trop bien. James Belti, l'un des chef de l'Ombre, d'abord occupé à butiner le cou d'une catin à demi devetu derriere son bureau, delessa son « travail » pour porter son attention vers Ancia, visiblement contrarié d'etre ainsi deranger.
- Vous auriez pu attendre l'aube; grogna celui-ci.
- Attendre ?! Vous vous fichez de moi ! Que ce que cela signifie ?
Pour toute réponse, ce dernier renvoya d'un geste de la main la fille censée le divertir et se servi tranquillement d'une choppe de bourbon, mettant les nerfs d'Ancia, deja à vif, à rude épreuve.
- Il n'y a rien à dire de plus, repondit il enfin. Notre grande famille a juste perdu un de ces membres, c'est tout.
- C'est tout ?! Suffoqua la Worgen.
- Nous perdons chaque jour plusieurs de nos amis, nous ne sommes pas eternel.
- Johann est un assassin brillant ! Il a tué de nombreuses fois et à chaque fois avec succés; explosa Ancia en frappant de ses mains le bureau. C'est un frere de l'Ombre ! Nous devons l'aider !
- L'aider ? Demanda calmement l'homme. A faire quoi ? Le libérer ?
- Evidemment ! Il faut le retrouver !
Un long silence se mit à planer dans la piece. James Belti regardait Ancia avec attention, l'etudiant de facon impassible. Malgrés ses airs de marin defroquer, le chef de l'Ombre n'en etait pas moins quelqu'un d’impressionnant : la quarantaine, une imposante carrure et un regard glacial qui faisait frissonner bon nombre de vide gousset, Belti etait l'un des douze chefs qui contrôlaient les bas fonds. C'etait un mercenaire sans scrupule dont on ne comptait plus le nombre de ses victimes, sa réputation n'etait plus à faire depuis des années. On le soupçonnait même d’être à l'origine de plusieurs assassina sur la noblesse de Hurlevent. Ancia l'avait rencontré peu de temps apres sa sortie de prison et c'etait de lui qu'elle tenait ses ordres quand on avait besoin de ses services.
- Je ne ferais rien, Ancia; continua t'il en quittant son bureau.
- Pourquoi ?!
- Je vous conseille d'abord de vous calmer, crier ne servira à rien... et je n'aime pas qu'on me manque de respect.
Cela ne calma pas cette derniere qui voulu continuer à hurler, mais avant qu'elle ne puisse faire quoi que ce soit, elle se retrouva avec une dague sous la gorge, sortie avec une rapidité terrifiante. Belti, l'oeil meurtrier, pouvait définitivement la faire taire s'il le voulait, Ancia sentit toute furreur la quitter, la peur au ventre. Elle savait pourtant qu'on ne devait jamais le defier.
- Je vous aime bien, Ancia. Vous etes vive et indomptable, mais vous manquez cruellement de stabilité. Dommage qu'il soit trop tard pour refaire votre education.
Il rangea son arme, presque ennuyé, et tendit charitablement son verre encore remplie à la jeune mére.
- Maintenant que j'ai toute votre attention, je vais vous expliquer mes raisons. Savez vous qui a arrété Johann ?
- La Garde ? Proposa la Worgen, desormais tout à fait calmé.
- Si ce n'etait qu'eux... non, c'est Epsilon.
- Ep... Epsilon !
- En personne. Et pour ne pas arranger nos affaires, c'est Jack Campillo et sa famille qui ont été visés.
Ancia manqua de défaillir. Epsilon imposait un certain respect, ils etaient crains jusque dans la criminalité. L'Ombre elle même s’arrangeait pour se trouver loin de leurs coups, pour ne jamais les contrarier.
- Johann à attaqué Epsilon...
- La chose à ne pas faire, cingla Belti. Acte stupide qui pourrait nous causer de graves ennuies.
- Mais pourquoi... pourquoi a t'il fait ça ?! S'attaquer à Jack... c'est du suicide pur et simple !
- Je n'ai pas plus d'information mais il semblerait que Johann se soit fait avoir. On l'aurait poussé à enlever la femme et la fille moyennant je ne sais quel tour de necromancie.
Ancia n'arrivait pas y croire. C'etait un véritable cauchemars. L'image de Leirann, mort dans la prison Gilnéene s'imposa dans sa mémoire. Allait-elle perdre encore un proche à cause d'Epsilon ? Apres son frere, Johann allait-il être le suivant ?
- Je ne le sauverai pas; continua Belti. Je ne mettrai pas notre organisation en danger pour la stupidité d'un assassin, aussi doué soit il. Je ne defierai pas les Campillo.
Le verdict etait tombé, impitoyablement, et Ancia sentait deja la présence de la mort roder encore une fois à ses cotés. Il n'y avait plus rien à dire. Plus rien à faire. Si sa fierté ne l'en empêchait pas, elle en aurait pleuré.
- Je vous avez confié un travail la semaine derniere. Je vous en releve la responsabilisé.
- Pour quel raison ? Demanda t'elle deja abattue. J'ai presque terminé.
- Je commence deja à bien vous connaître. Je prefere, pour la securité de mes plans, confier ce travail à quelqu'un d'autre. Je crois que vous vouliez retourner en Gilneas, alors je vous conseille de faire le voyage. Vous recevrez votre récompense pour votre travail d'ici quelques jours.
Ainsi congédiée, elle quitta la piece à pas lent, l'esprit embrouillé d’incompréhension, d'amertume et de tristesse. Elle regagna sa chambre à l'auberge, ne voyant même pas que Neagan avait quitté son lit pour dechirer la lettre resté à terre, se laissant choir contre la porte fermé.
- Ressaisis toi ! Hurlait Frere au fond de ses pensés. Ce n'est pas le moment de te morfondre !
- Johann...
- Il a defié un alpha d'une meute puissante et a perdu ;continua la voix canine de maniere impitoyable. Si tu le sauves, tu nous condamnes tout les deux.
- On ne peut pas le laisser comme ca...
- Ne cherche même pas à le sauver ! Je ne te laisserais pas faire, pas cette fois !
- Alors on ne va rien tenter ?
- Non ! Ce n'est pas à toi de faire ca ! Si tu le fais, on va tout perdre ! Et Neagan ?! Il est le dernier louveteau qu'il nous reste ! Tu as abandonné les quatre autres, vas-tu abandonner celui-ci aussi ?
Cette phrase parvint à sortir Ancia de ses sombres pensées. Neagan... son fils, son seul enfant restant. Elle posa son regard son lui, se concentrant uniquement sur son petit corps de bébé.
- Un autre louveteau va bientôt arriver; continua Frere. Lui aussi tu dois le protéger jusqu'à ce qu'il naisse. Le loup gris a signé son arret de mort, mais si Goldrinn, le grand Alpha, a suffisamment de pitié, il l’épargnera.
- ... que dois je faire ?
- Partir. On doit retourner dans les forets du nord et proteger le louveteau. On doit retourner aupres de la meute, c'est notre place.
- Gilneas... soupira doucement Ancia.
Ainsi, le temps du changement etait terminé. Elle devait repartir et retrouver sa patrie. Retrouver la meute, ses devoirs, sa vie d'avant... elle devait dire au revoir à l'ocean et retrouver les montagnes humides de Gilneas. Elle n'en avait pas envie. Elle ne voulait pas retourner là bas. L'idée d'y etre deja lui donner la nausée. Mais Frere avait raison, elle n'avait deja que trop retarder son retour. Albertan restait son alpha, Alceir allait avoir surement besoin d'eux et Namora besoin de compagnie. On ne pouvait pas fuir éternellement. Il etait temps de rentrer.
Résigner, elle se releva et pris Neagan dans ses bras. Elle le garda conte elle pendant de longues minutes, le berçant contre son cœur.
- On est pas obligé de prendre la bonne route; réconforta Frere, la voix beaucoup plus douce. On peut prendre les longs chemins avant de rentrer. On pourra montrer la chasse et l'odeur du sang au louveteau. Il va adorer.
Cette phrase fit sourire Ancia, son loup ne perdait vraiment pas le nord quand il le voulait.
- Oui, il va sûrement adorer. On va prendre la longue route, prendre notre temps afin de retrouver les vieilles habitudes.
Mais au fond d'elle, un seul nom continuait de la hanter, n'arrivant pas à se résoudre à l’inévitable. Un seul nom.
Johann.